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CHAPITRE XL


Un jour, vers l’heure de none, il s’éleva en moi contre cet adversaire une puissante imagination qui me fit apparaître cette glorieuse Béatrice avec ce vêtement rouge sous lequel elle s’était montrée à moi pour la première fois. Alors, je me mis à penser à elle, et me reportant à l’ordre du temps passé je me souvins, et mon cœur commença à se repentir douloureusement du désir dont il s’était si lâchement laissé posséder pendant quelques jours, en dépit de la constance de la raison. Et rejetant tout désir coupable, mes pensées retournèrent à la divine Béatrice. Et depuis lors je commençai à penser à elle de tout mon cœur honteux, de sorte que je ne cessais de soupirer.

Et presque tous mes soupirs disaient en sortant ce qui se disait dans mon cœur, c’est-à-dire le nom de cette femme, et comment elle nous avait quittés. Et alors que se renouvelaient ces soupirs, se renouvelaient en même temps les