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CHAPITRE XXXIX


La vue de cette femme me mettait dans un état si extraordinaire que je pensais souvent à elle comme à une personne qui me plaisait trop ; et voici comment je pensais à elle : cette femme est noble, belle, jeune et sage ; et c’est peut-être par le vouloir de l’Amour qu’elle m’est apparue pour rendre le repos à ma vie. Et quelquefois j’y pensais si amoureusement que mon cœur s’y abandonnait avec le consentement de ma raison. Puis, après cela, ma raison venait me redire : Ô quelle est donc cette pensée qui vient si méchamment me consoler, et ne me laisse plus penser à autre chose ? Puis se redressait encore une autre pensée qui disait : maintenant que l’amour t’a tant fait souffrir, pourquoi ne veux-tu pas te débarrasser d’une telle amertume ? Tu vois bien que c’est un souffle qui t’apporte des désirs amoureux, et qui vient d’un côté aussi attrayant que les yeux de cette femme qui t’a témoigné tant de compassion ? Et,