Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE XXXVII


Il arriva ensuite que, partout où cette femme me voyait, son visage se recouvrait d’une expression compatissante, et prenait comme une couleur d’amour, ce qui me rappelait ma très noble dame à qui j’avais vu cette même pâleur. Et il est certain que souvent, quand je ne pouvais plus pleurer ni décharger mon cœur angoissé, j’allais voir cette femme compatissante, dont l’aspect tirait des larmes de mes yeux. Aussi, ai-je voulu m’adresser à elle dans le sonnet suivant :

Couleur d’amour et signes de compassion[1]
Ne se sont jamais imprimés aussi merveilleusement
Sur le visage d’une femme,
Avec de doux regards et des pleurs douloureux,
Comme sur le vôtre quand vous voyez devant vous
Ma figure affligée.
Si bien que par vous me revient à l’esprit
Une frayeur telle que je crains que le cœur m’en éclate
Je ne puis empêcher mes yeux obscurcis

  1. Color d’amore, e di pietà sembianti