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Pleine de grâces, l’àme noble s’est séparée de sa belle personne, et, glorieuse, a monté en un lieu digne d’elle. Qui ne la pleure, en en parlant, a un cœur de pierre, si méchant et si bas qu’il n’y peut entrer aucun esprit bienveillant. Il n’est cœur grossier, tant soit haute l’intelligence qui l’accompagne, qui puisse imaginer quelque chose d’elle ; aussi ne vient-il jamais à ceux-là l’envie de pleurer, tandis que la tristesse, et les soupirs douloureux, et l’envie de mourir de chagrin, viennent dépouiller de toute consolation l’àme de ceux qui, par la pensée, ont vu quelquefois ce qu’elle a été, et comment elle nous a été enlevée.

Les soupirs me donnent de vives angoisses quand le souvenir, dans ma pensée grave, me reproduit celle qui m’a déchiré le cœur ; et souvent, en songeant à la mort, il m’en vient un désir si doux, que mon visage change de couleur. Quand ces idées deviennent bien fixes dans mon esprit, il m’arrive de toutes parts une si grande peine, que je suis rappelé à moi par la douleur que j’éprouve. Alors la honte me fait fuir la foule ; puis en pleurant, seul dans mes larmes, j’appelle Béatrice, et dis : «Maintenant tu es donc morte ! » Et pendant que je l’appelle, je me sens soulagé.

Pleurer de douleur, et soupirer d’angoisse, me brise tellement le cœur partout où je me trouve seul, que celui qui me verrait en serait peiné : et telle est