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et au delà, de mon abnégation, et, plus encore, que c’est à tort que j’ai le nom de serviteur : ainsi du plaisir d’être sous ses regards, ma servitude se fait une récompense plus grande que des bontés des autres ; mais puisque je me renferme dans la vérité, il est juste d’estimer servage un semblable désir. C’est pourquoi, si je suis en quête d’un certain mérite, je ne pense point tant à moi-même qu’à celle qui m’a en sa puissance ; je le fais parce la valeur (qu’elle possède) va toujours s’accroissant ; et je suis tout sien, comme je tiens à l’être, parce que Amour m’a fait digne d’un si grand honneur.

Un autre qu’Amour ne pouvait me rendre tel que je fusse dignement l’objet de celle qui ne s’enamoure point ; mais (plutôt) que je me tinsse avec la dame qui n’a nulle crainte de la pensée amoureuse, sans laquelle elle ne peut passer une heure. Je ne la vis jamais une seule fois sans découvrir en elle une beauté nouvelle ; aussi Amour accroît en moi sa prééminence (d’Elle), si bien qu’un plaisir nouveau vient s’y joindre : c’est pourquoi il arrive que je demeure si longtemps dans le même état, et qu’Amour m’accoutume tellement avec la douleur et avec la joie, que le temps qui me fait le plus souffrir est (le temps) qui dure du moment où je suis privé de sa vue jusqu’au moment où je la retrouve.

Canzone, ma belle, si tu me ressembles tu ne seras point dédaigneuse, pour que ceci agrée à ta