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INTRODUCTION.

tions le récit de son prodigieux voyage ; lorsqu’il rappelait au début du poëme que dans la tradition païenne, Énée était descendu tout vivant aux enfers ; que dans la tradition chrétienne saint Paul avait été ravi corps et âme au troisième ciel, et, dans sa pieuse humilité, s’avouait indigne d’un miracle semblable[1]. Certes, il n’est pas prouvé que Dieu ait opéré un tel prodige pour le poêle florentin ; mais c’est là la fiction dramatique qu’il faut accepter, ou l’art est impossible. Comment ! vous voyez l’homme le plus fier de cette fière Italie du moyen âge pencher ce front radieux que Raphaël a peint parmi les témoins de la foi ; vous le voyez se prosterner et prier pour obtenir une grâce qu’il a payée de tant de larmes, un miracle qu’il a tant espéré, qu’il a tant demandé à Dieu, que Dieu lui a accordé peut-être, et vous ne savez trouver dans son livre qu’un amalgame étrange et bizarre de superstitions grossières et de brutales vengeances, de subtilités métaphysiques et de je ne sais quelle franc-maçonnerie protestante ! Ô interprètes ! Dante avait raison de vous craindre.

C’était bien la peine, en effet, de creuser la terre sous vos pas et de vous faire descendre d’étage en étage jusqu’au fond de l’abîme, de mesurer avec une si désespérante exactitude la longueur et la largeur de tous les cercles de l’immense spirale, pour qu’un jour il vous plût de décider que tout cela n’était qu’un rêve, quelque chose comme la vision de frère Albéric, ou la légende bouffonne du voyage de saint Brendan !

Il suffit de jeter un regard sur la structure du poëme, sur la mise en scène, s’il est permis de l’appeler ainsi, de ce grand drame, pour se convaincre que tous les efforts de l’auteur tendent sans cesse à faire ressentir l’action matérielle et physique, qui est la base essentielle de toute épopée. L’Enfer dantesque a la forme d’un vaste entonnoir, et se compose, ainsi que nous l’avons dit plus haut, de neuf cercles qui vont se rétrécissant par degrés. Dante et Virgile, descendant toujours vers la gauche, comme par un escalier en spirale, coupent obliquement

  1. Enfer, chant II.