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INTRODUCTION.

quer la dernière limite à laquelle la raison puisse atteindre, en dehors de la grâce, a été choisi comme le représentant d’une doctrine renouvelée de nos jours, doctrine qui admet la perfectibilité du genre humain dans ce monde, et promet à l’âme purifiée par l’expiation un paradis sur la terre. Rien de plus sublime que ces paroles adressées à Dante, lorsque ayant parcouru le cercle entier de la science, il demande au génie qui le guide la mission d’éclairer ses semblables.

« Relève-toi, lui dit Virgile au nom de l’intelligence, relève-toi ; je n’ai plus rien à t’apprendre ; tu es libre, tu es sage, tu es fort, tu es plus grand que les Césars, plus grand que les pontifes ; je pose sur ton front inspiré la couronne et la mitre[1]. »

C’est là le triomphe le plus éclatant auquel l’esprit humain puisse aspirer sur la terre. Seulement, au-dessus de Virgile il y a Béatrix, au-dessus de la science il y a la foi, au-dessus de l’homme il y a Dieu.

Une fois le rôle de Virgile expliqué, il serait puéril d’insister sur les rapprochements qu’on pourrait établir entre tel chant de la Divine Comédie et tel livre de l’Énéide. Quand nous aurions transcrit fidèlement au bas de ces pages les comparaisons, les idées, les vers entiers qui ont quelques rapports dans les deux poèmes, nous n’en dirons jamais plus qu’un seul tercet de l’Enfer où Dante se trouvant tout à coup en présence de son poète favori, s’écrie avec la tendresse d’un fils et la fierté d’un conquérant : « Tu es mon maitre, tu es mon auteur ; j’ai étudié ton livre avec patience, avec amour, et je t’ai pris ce beau style qui a fait ma gloire[2]. »

Nous avons posé hardiment à côté du sens littéral toutes les abstractions qu’on pouvait en déduire ; mais avant de pénétrer plus loin dans les routes épineuses des allégories, il s’agit de bien distinguer la réalité des symboles. Que l’allégorie existe, c’est un fait incontestable. Dante l’a dit partout dans ses dédicaces, dans ses autres ouvrages, dans plusieurs endroits du poème. Il

  1. Purgatoire, chant XXVII.
  2. Enfer, chant I.