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v
INTRODUCTION.

ligences se sont inclinées devant ce grand génie, et ont médité sur son œuvre.

Malheureusement, il n’y a pas de culte sans idolâtrie, ni de croyance sans fanatisme ; et si l’on voulait suivre les aberrations de tous ceux qui se sont cru le droit d’écrire sur Dante, on se trouverait bientôt perdu dans une forêt plus sombre, plus sauvage et plus inextricable que celle où le poëte s’est égaré au début de son mystérieux voyage. Malgré tous les obstacles dont on a obstrué la route en croyant la déblayer, le moment est propice, ou il ne le sera jamais, pour comprendre enfin la divine trilogie telle que son auteur l’a conçue. Des travaux savants, utiles, sur le moyen âge italien, une connaissance plus approfondie de l’histoire, une appréciation plus large et plus logique des principes et des règles de l’art, tout semble concourir à faciliter l’intelligence de ce livre prodigieux, le plus magnifique peut-être que les hommes possèdent après la Bible, qui est le livre de Dieu. L’analyse du poëme offre encore des difficultés nombreuses et ardues, il est vrai ; mais ces difficultés cessent d’être insurmontables dès que l’attention n’est pas détournée sans cesse par les écarts des commentateurs. Peut-être serait-il plus simple d’apprendre par cœur d’un bout à l’autre les vers de la Divine Comédie, comme Dante avait appris l’Énéide, et de supprimer tout à fait les commentaires. Mieux vaut se hasarder sans guide que de suivre un aveugle.

Toute épopée ancienne ou moderne, pour être complète, doit embrasser l’homme entier dans sa double nature spirituelle et terrestre, lui révéler son origine et son but, lui faire comprendre, à travers les émotions d’un grand drame, d’où il vient, où il va. Ainsi, le poëme épique se compose de deux parties étroitement liées entre elles, dont l’une répond aux besoins matériels de la chair, l’autre aux vagues aspirations de l’esprit. La première se développe dans le monde des sens, l’autre dans les régions invisibles. Le poëme antique non plus n’a pu échapper à cette règle absolue et nécessaire ; car de tout temps, l’instinct de l’immortalité a crié au fond de la conscience humaine ; de tout temps, l’imagination a peuplé l’espace d’êtres mystérieux et