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CHANT ONZIÈME

à ceux que tu as vus, mais ils sont plus petits et se rétrécissent de degrés en degrés ; ils sont tous remplis d’ombres maudites. Apprends comment et pourquoi elles sont punies : il te suffira ensuite de les voir.

« L’injustice est le but de toute méchanceté que le ciel poursuit de sa haine : on cherche à atteindre ce but par force ou par fraude. La fraude, qui est un vice propre à l’homme, excite davantage le courroux de Dieu ; aussi les frauduleux sont-ils plus profondément engloutis que les autres, et assaillis de plus vives douleurs.

« Le premier cercle contient les violents ; il est divisé en trois enceintes, parce qu’il y a trois sortes de violences. On fait violence à Dieu, à soi, au prochain, et aux choses qui sont propres à Dieu, à soi et au prochain comme tu vas en être convaincu.

« On fait violence à son prochain par des blessures douloureuses, ou par le coup de la mort. On lui fait violence en commettant des vols, en portant la hache et la flamme dans sa propriété ; aussi la première enceinte voit tourmenter, par des peines distinctes, les homicides, les brigands et les incendiaires.

« Un homme peut porter sur sa personne une main violente, ou dissiper ses biens ; alors c’est dans la seconde enceinte du même cercle qu’est condamné à un repentir inutile, celui qui se prive de la clarté de votre soleil ; c’est là qu’est plongé éternellement celui qui, après avoir fréquenté les sociétés dangereuses, a détruit sa fortune et n’a plus eu que des pleurs à verser sur cette terre où il eût pu couler des jours fortunés.

« On peut faire violence à la Divinité, en niant son existence, en blasphémant dans son cœur, et en méprisant la Nature et ses bienfaits : alors la troisième enceinte, qui est la plus petite, marque de la même empreinte les habitants de Sodome et de Cahors, et celui qui, dans ses pensées et dans ses paroles, ose mépriser la Divinité.

« La fraude peut s’employer contre celui qui nous donne sa confiance et contre celui qui nous la refuse. Ce moyen inique détruit le lien d’amour que la Nature a créé pour unir tous les êtres ; aussi, dans le second cercle, sont engloutis l’hypocrisie, les promesses menteuses, la sorcellerie, les faux, le vol, la simonie, les lâches complaisances pour les débauchés, les fourberies et souillures semblables. Cet autre genre de fraude qui trompe la confiance, détruit non-seulement l’amour que la Nature a mis en nous, mais encore le sentiment que fait naître l’amitié, ce témoignage si touchant