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L’ENFER

devant lui les bergers et les animaux. Mon guide retirant ses mains qui couvraient mes yeux, me dit : « Promène ta vue sur cette écume antique, là où la fumée est plus acerbe. »

Telles les grenouilles poursuivies par la couleuvre ennemie s’enfoncent sous les eaux jusque dans l’asile le plus impénétrable, telles mille âmes coupables fuyaient devant celui qui traversait le Styx à pied sec, d’un pas lent, et qui de sa main gauche repoussait l’air empesté, ne paraissant être fatigué que de ce soin. Je devinai que c’était un envoyé du ciel, et je


« Démons chassés du ciel, race méprisée, s’écria-t-il… (P. 34.)


regardai mon maître, qui me fit signe de me taire et de m’incliner. Quel noble dédain se montrait sur le visage de l’ange ! Il arriva près de la porte, la frappa d’une baguette, et l’ouvrit sans effort. « Démons chassés du ciel, race méprisée, s’écria-t-il en se plaçant sur le seuil de la porte terrible, quelle est votre présomptueuse arrogance ? Pourquoi regimber contre cette volonté qui doit toujours atteindre son terme, et qui a tant de fois accru vos tourments ? Que vous sert de frapper de la corne contre les destins ? Votre Cerbère, s’il s’en souvient, porte encore à son cou et à son menton pelés les traces des liens qui ont enchaîné sa rage. » L’ange alors se retourna vers le marais fangeux sans nous parler, et nous parut un être