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« Dans les siècles voisins de la création, il suffisait, pour être sauvé, qu’on eût l’innocence, et qu’on fût protégé par la foi de ses parents. Après les premiers âges, il fallut que les enfants mâles acquissent par la circoncision la force nécessaire à leur aile innocente ; mais lorsque le temps de la grâce fut venu, même l’innocence était retenue là-bas, si elle n’avait pas reçu le baptême parfait du Christ.

Regarde maintenant dans le visage qui ressemble le plus au Christ ; son éclat seul peut te disposer à voir le Christ. »

En effet, je remarquai que cette beauté faisait pleuvoir une vive allégresse sur les saints esprits créés pour jouir du droit de s’élever jusqu’au bien éternel. Tout ce que j’avais vu auparavant n’avait pas autant excité mon admiration, et ne m’avait pas aussi vivement démontré la gloire de Dieu. Alors l’amour qui descendit le premier, sur la terre, en chantant : « Je vous salue, Marie pleine de grâce, » étendit ses ailes devant elle. La cour bienheureuse répondit de toutes parts à ce chant divin, en s’animant d’une joie nouvelle.

Je dis à celui qui s’embellissait des charmes de Marie, comme l’étoile du matin brille des feux du soleil : « Ô père saint, qui daignes descendre près de moi et abandonner la douce place que la faveur éternelle t’a marquée, quel est cet ange qui avec tant d’allégresse regardant les yeux de notre reine, est si embrasé, qu’il paraît tout de flamme ? »

Et lui à moi : « Il a toute l’innocence et toute la grâce que peut avoir un ange ou une âme, et nous le voulons tous ainsi, parce que c’est lui qui a porté la palme à Marie, quand le Fils de Dieu a daigné consentir à se couvrir de notre charge mortelle.

« Mais maintenant viens avec les yeux, à mesure que je parlerai, et remarque les Patriciens de ce pieux et juste empire. Les deux vieillards qui sont les plus voisins de l’auguste souveraine, sont en quelque sorte les racines de cette rose. À gauche tu vois le père dont la téméraire gourmandise a rendu notre vie si amère ; à droite est cet ancien père de la sainte Église à qui le Christ a donné les clefs de cette fleur brillante. Près de ce dernier est celui qui connut, avant de mourir, tous les malheurs de la belle épouse qui fut acquise par le supplice des clous et de la lance. Près de l’autre est ce chef sous lequel se nourrit de manne une nation ingrate, indécise et dédaigneuse. Auprès de Pierre, tu vois Anne, si joyeuse d’admirer sa fille, qu’elle ne la perd pas de vue, quoique, comme toutes les autres, elle ne cesse de chanter Hosanna. En face du premier père de