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nature angélique est telle, qu’elle a, ainsi que nous, l’entendement, la mémoire et la volonté, j’ajouterai quelques mots, pour que tu saches qu’avec cette définition peu exacte on présente une interprétation équivoque.

« Ces substances, dès qu’elles commencèrent à se réjouir de la vue de Dieu, ne cessèrent de fixer leurs regards sur celui devant lequel rien n’est caché. Cette contemplation n’est jamais interrompue, et, pour tout se remémorer, n’a besoin d’aucun effort. Là-bas, on rêve en ne dormant pas, les uns croyant, les autres ne croyant pas dire la vérité. Dans les premiers il y a plus de faute et plus de honte.

« Raisonnant de cette manière, vous n’êtes pas dans le vrai chemin, en philosophant, tant vous transportent l’amour de l’apparence et une opinion à vous : encore tolère-t-on ici cette conduite avec moins de dédain que celle des hommes qui rejettent la sainte Écriture, ou qui osent la torturer. On ne pense pas à ce qu’il en a coûté de sang pour la répandre dans le monde, et combien plaît celui qui s’accote humblement contre elle.

« Chacun s’ingénie à se montrer au grand jour, cite ses inventions ; les prédicateurs les débitent, et l’Évangile se tait. L’un dit que la lune, au moment de la Passion du Christ, retourna en arrière et obscurcit la lumière du soleil ; un autre, que la lumière se cacha d’elle-même, de manière que cette éclipse aurait été commune aux Espagnols, aux Indiens et aux Juifs.

« On débite en chaire, tous les ans, plus de ces sortes de fables, qu’il n’y a à Florence de Lapi et de Bindi. Les brebis ignorantes reviennent de la pâture, repues de vent, et leur ignorance ne les excuse pas. Le Christ n’a pas dit à ceux de son premier couvent : Allez, et prêchez au monde des fables. Il leur a donné un texte plus noble, et ils en ont été si pénétrés dans leurs discours, qu’à leur combat pour allumer la foi, ils ont fait, de l’Évangile, des boucliers et des lances.

« On emploie aujourd’hui des mots burlesques et des bouffonneries ; et, quand en prêchant on a fait rire, on enfle orgueilleusement son capuchon, et l’on n’en demande pas davantage : mais dans le rebord du capuce se niche un tel oiseau, que si le peuple le voyait, il connaîtrait le peu de valeur des pardons auxquels il se fie.

« À ce sujet, la sottise s’est tant accrue sur la terre, que l’on accèderait à toute promesse sans preuve d’aucun témoignage. C’est ainsi que saint Antoine engraisse son porc ; c’est ainsi qu’agissent bien d’autres qui