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arguments. » Puis je dis : « Les mystères que je vois ici sont cachés là-bas à notre intelligence ; leur existence est admise par la croyance seule sur laquelle se fonde une vive espérance : voilà pourquoi la foi prend le nom de substance, et en continuant le syllogisme, sans aucune autre vue, la foi devient ensuite un argument. »

L’esprit enflammé reprit : « Si tout ce que la science enseigne était ainsi entendu, on ne rencontrerait pas de sophistes : l’alliage et le poids de cette monnaie sont très bien examinés, mais dis-moi, l’as-tu dans ta bourse ?

— Oui, répondis-je, je la possède si lucide et si bien frappée, que je n’ai aucun doute de la bonté du coin. »

La lueur céleste continua ainsi : « D’où te vient ce trésor sur lequel toute vertu se fonde ?

— L’abondante pluie de l’Esprit-Saint qui a inondé les vélins anciens et nouveaux, est le syllogisme qui m’a convaincu tellement qu’après cet argument sur la foi toute autre démonstration me parait obtuse.

— Mais l’ancienne et la nouvelle proposition qui appuyaient ta conclusion, pourquoi les regardes-tu comme la parole divine ?

— J’en ai pour preuves ces opérations pour lesquelles la nature n’a jamais forgé le fer, ni battu l’enclume.

— Dis encore : Qui t’assure que ces opérations eu lieu, comme on veut te le prouver ? Y a-t-il quelqu’un qui te jure qu’elles sont vraies ?

— Quoi ! le monde aurait adopté le christianisme sans voir de miracles ? un seul prouve plus que tous les autres qui n’en sont pas le centième, ne t’a-t-on pas vu toi-même paraître sur la terre, pauvre et à jeun, lorsque tu as commencé à semer là où depuis il y a eu une vigne fertile, qui est devenue un buisson désert ? »

J’eus à peine fini, que la sainte cour chanta avec une mélodie céleste : Nous louons Dieu.

Mais ce Baron qui m’avait interrogé, de rameau en rameau, et m’avait attiré aux dernières feuilles, recommençait ainsi : « La grâce, qui se complaît à enivrer ton esprit de son amour, t’a ouvert la bouche comme elle devait te l’ouvrir. J’approuve tout ce que tu as dit ; mais il faut maintenant m’expliquer ce que tu crois et pourquoi tu crois.

— Ô saint père, répondis-je, ô esprit, toi qui vois ce que tu as cru, tellement que tu as vaincu, au sépulcre, des pieds plus jeunes que les tiens, tu veux que je te manifeste la formule et la cause de ma croyance.