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manière que l’un paraît rester en repos, et que l’autre semble voler. Ainsi ces Caroles, en dansant différemment, me montraient par leur plus ou moins de vélocité ou de lenteur, la part qu’elles recevaient de la richesse du ciel. D’une de ces rondes, je vis sortir une lumière si brillante, que son éclat surpassait celui de toutes les autres : elle tourna trois fois autour de Béatrix en faisant entendre un chant si divin, que mon imagination ne peut me le redire.

Ma plume saute et je n’écris pas. Les paroles et l’imagination n’ont pas de couleurs assez vives pour animer de semblables tableaux. « Ô sainte sœur, qui montres un si ardent esprit de charité, ta présence me détache de la ronde où je tournais ! »

Ainsi parla le feu sacré en s’adressant à Béatrix.

Celle-ci répondit : « Ô lumière éternelle du grand homme, à qui Notre-Seigneur a laissé les clefs qu’il a apportées du haut de cet admirable royaume, interroge celui qui est à mes côtés sur les points aisés ou difficiles de la foi, par laquelle tu es parvenu à marcher sur la mer : tu sais, toi qui portes ta vue là où toute chose est clairement entendue, si celui que je conduis ici, Aime bien, Espère bien et Croit bien. Mais puisque ces sphères se sont acquis un grand nombre d’habitants par la foi véritable, il est bon qu’il ait occasion d’en parler, pour la glorifier à son tour. »

Comme le bachelier s’arme d’arguments, sans parler encore, jusqu’à ce que le maître lui ait présenté la question qu’il doit défendre et non pas résoudre, je m’armais aussi de raisons, pendant que Béatrix disait ces paroles, pour être prêt à répondre à un tel interrogateur, et sur une telle Profession.

« Dis-moi, ô pieux chrétien, explique-toi hardiment : Qu’est-ce que la Foi ? » Je levai les yeux sur la lumière qui m’avait parlé ainsi ; ensuite je me tournai vers Béatrix, qui me fit promptement signe que je pouvais répandre mes sentiments intimes.

Je commençai en ces termes : « Que la grâce qui me permet de me confesser au plus haut primitile, donne de la sagesse à mes expressions ! Ô mon père, suivant les paroles véridiques de ton frère qui avec toi laissa Rome dans le meilleur chemin, la foi est une substance de choses à espérer, et un argument de celles qu’on ne peut comprendre. Il me paraît que c’est ainsi qu’on doit la définir. »

J’entendis le feu sacré répondre : « Ton sentiment est droit, si tu comprends bien pourquoi il la plaça parmi les substances, ensuite parmi les