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partie de ce que les hommes ne peuvent voir dans la divine grâce ; cependant, pour sa vue, tout n’est pas encore entièrement compréhensible. »

Telle une alouette qui chante en volant dans les airs, et se tait, joyeuse de la dernière harmonie qui l’a satisfaite, telle me parut l’image de cet éternel plaisir, un désir duquel chaque chose devient ce qu’elle est.

Quoique pour un doute qui me tourmentait, je fusse comme le cristal à travers lequel on aperçoit aisément la couleur qu’il revêt, je ne pus attendre plus longtemps, et je m’écriai, parce que je vis une foule éblouissante de splendeurs : « Quelles choses vois-je là ? »

Le signe bénit, pour ne pas prolonger ma surprise, me répondit sur-le-champ, en jetant sur moi un regard plus animé : « Tu crois ce que je viens de te dire, parce que je te l’ai dit, mais tu ne le comprends pas ; ce sont des choses auxquelles tu ajoutes foi, mais qui restent inexpliquées : tu fais comme celui qui apprend le nom d’un objet, mais qui n’en distingue pas la valeur, si on ne la lui fait pas connaître.

« Il y a une violence opérée par un saint amour, une vive espérance qui ouvre le royaume des cieux, après avoir vaincu la volonté divine. Cette violence n’agit pas comme celle par laquelle l’homme opprime l’homme ; elle n’est victorieuse que parce que Dieu consent à être vaincu ; et quand il est vaincu, son affectueuse bonté lui donne à son tour la victoire.

« Tu es surpris de voir parmi les anges le premier et le dernier des esprits qui bordent mon œil. Ils quittèrent leur corps, non pas comme gentils, mais comme chrétiens, l’un croyant aux pieds qui devaient souffrir, l’autre aux pieds qui avaient souffert. Celui-ci reprit son corps en Enfer, où l’on est endurci dans le mal, et ce fut le fruit de sa vive espérance, de cette vive espérance qui ne cessa de prier Dieu, et parvint à l’apaiser.

« L’âme glorieuse dont je te parle, réunie à son corps pour quelque temps, crut fermement en celui qui pouvait la sauver. Trajan, en Croyant, s’enflamma d’un tel amour, qu’après sa seconde mort il obtint de venir à cette fête.

« Celui-là, par une grâce ineffable, qui coule d’une source si profonde, que jamais créature ne pourra apercevoir où naissent ses premières eaux, fit consister tout son amour à vivre suivant les règles d’une bonne conscience.

« Dieu, de grâce en grâce, permit qu’il ouvrit ses yeux aux mystères de notre rédemption future. Il y crut : aussi fut-il délivré de la contagion du paganisme, et il reprenait les nations perverses de leurs erreurs. Il eut, au