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cèrent des chants qui sont tombés de ma fragile mémoire. Ô doux amour, qui te caches sous cette splendeur, comme tu me paraissais brillant dans ces éclairs qui n’étaient remplis que de saintes pensées !

Lorsque ces joyaux si précieux, qui ornent la sixième sphère, eurent fini ces chants angéliques, il me sembla entendre le murmure d’une eau claire qui tombe de pierre en pierre, en annonçant l’abondance de sa source ; et ainsi que le son prend sa force au manche de la guitare, ainsi que le souffle résonne en sortant des trous de la flûte, de même, tout à coup, ce murmure, sans prolonger le retard, s’échappa du cou de l’aigle comme s’il était entr’ouvert, et il sortit de son bec une voix en forme de paroles, qui proféra ces mots que mon cœur attendait, et que je me hâte de rapporter : « Tu dois regarder fixement en moi cette partie qui, dans les aigles mortels, voit le soleil et supporte son éclat, parce que, des feux dont je me compose, ceux qui brillent dans mon œil ont une portion de lumière plus étincelante que les autres.

« Celui qui occupe la place de la pupille chanta l’Esprit-Saint, en transportant l’arche de ville en ville : maintenant il connaît le mérite de ses travaux et reçoit une récompense proportionnée à sa piété. Des cinq esprits qui font un cercle autour de mon cil, celui qui est placé le plus près du bec consola la veuve qui avait perdu son fils : maintenant il connaît ce qu’il en coûte de ne pas suivre le Christ, parce qu’il compare cette douce vie, et la vie opposée.

« L’autre que tu vois dans la partie supérieure du cil, retarda le coup de la mort par une vraie pénitence : maintenant il connaît que le jugement éternel ne change jamais, quelque effort qu’une digne prière fasse le lendemain du jour présent.

« Cet autre esprit, avec les lois romaines, et avec moi, dans de bonnes intentions qui portèrent de mauvais fruits, se fit Grec, pour céder la place au Pasteur : maintenant il connaît que le mal qui est résulté de sa bonne opération ne lui a pas nui auprès de Dieu, quoique ce mal puisse devenir la cause de la destruction du monde.

« C’est Guillaume, que tu vois au-dessous de la sommité de l’œil ; on le regrette sur cette terre, où l’on pleure sur l’autorité de Frédéric et de Charles qui y sont vivants : maintenant il connaît combien le ciel se passionne pour le roi juste ; c’est ce que prouve le vif éclat de sa splendeur.

« Qui croirait, dans votre monde plein d’erreurs, que le Troyen Rifée est la cinquième de ces lumières saintes ? Maintenant il connaît une grande