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dites-lui donc si cette lumière, dont votre âme est ornée, demeurera éternellement avec vous, telle qu’elle est aujourd’hui ; et si elle doit demeurer telle, dites-lui comment elle n’offensera pas vos yeux au jour de la résurrection. »

Quelquefois au milieu d’une danse accompagnée de chants, un redoublement d’allégresse fait élever la voix, de même, à cette sainte demande, les cercles sacrés montrèrent une joie nouvelle ; leur ronde s’anima, et leurs accents devinrent plus mélodieux.

Celui qui se plaint qu’on meurt sur la terre, pour vivre dans le ciel, n’a pas connu l’abondance des dons rafraîchissants de la pluie éternelle. Cet un, et deux, et trois, qui vit éternellement, et règne toujours dans trois, et deux, et un, qui n’est soumis à aucune puissance, et qui commande à tout, était trois fois chanté par ces esprits, avec une harmonie qui pourrait récompenser le plus noble mérite.

J’entendis en même temps, dans la lumière la plus étincelante du plus petit cercle, une voix modeste, peut-être autant que celle de l’ange qui apparut à Marie, répondre en ces termes : « Aussi longtemps que durera la fête du Paradis, notre amour rayonnera dans ce vêtement lumineux.

« Notre éclat est proportionné à notre charité, notre charité au bonheur de voir le premier bien, et ce bonheur est aussi grand que daigne le permettre la grâce divine. Lorsque nous aurons repris notre corps sanctifié et glorieux, notre personne sera devenue plus parfaite, parce qu’elle sera plus entière ; notre lumière s’accroîtra de la félicité que Dieu distribue si généreusement, et qui nous rend capables de le contempler : nous verrons alors s’accroître à la fois le bonheur de cette vision, notre charité, et les rayons de gloire qui proviennent de lui.

« Le charbon se fait encore distinguer dans le feu, quoiqu’il soit tout environné par la flamme ; de même l’éclat qui nous entoure ne devra être obscurci qu’en apparence par la chair du corps que nous reprendrons. Tant de splendeur ne pourra nous fatiguer : les organes du corps seront devenus tels, qu’ils supporteront tout ce qui d’ailleurs augmentera leurs délices. »

À ces mots, les deux chœurs me parurent si disposés à s’écrier Ainsi soit-il, que je compris bien qu’ils désiraient retrouver le corps qu’ils avaient laissé sur la terre, non pas pour eux-mêmes, mais dans l’espérance de revoir ainsi leurs mères, leurs pères, et ceux qu’ils chérissaient avant d’être embrasés des flammes de l’éternel amour.