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entier, et j’en parle en ce moment, comme du jardinier diligent que le Christ élut dans sa vigne.

« On ne douta pas qu’il ne fût l’envoyé chéri du Christ, quand on vit le don du premier amour qui brillait en cet enfant, quand on vit comment il suivit le premier conseil que donna le Christ. Souvent sa nourrice le trouva éveillé et prosterné à terre ; il semblait dire : Je suis venu pour cela.

« Ô toi, Félix, son père, que tu fus dignement nommé ! Ô toi, Jeanne, sa mère, que tu méritais bien de porter ce nom, s’il s’interprète comme on le dit ! Il ne se passionna pas pour le monde, comme quiconque étudie celui d’Ostie et Thadée ; mais il chercha la manne véritable. En peu de temps il acquit une science étendue, et sut cultiver la vigne, qui languit quand le vigneron ne travaille pas.

« Il ne demanda pas au saint-siége, qui était autrefois plus favorable aux indigents (je ne parle pas ainsi pour le saint-siége, mais pour celui qui y est assis et qui dévie), il ne demanda pas qu’on le dispensât de rendre six moyennant deux ou trois ; il ne demanda pas l’assurance d’obtenir les premiers bénéfices vacants, ni les dîmes qui appartiennent aux pauvres de Dieu ; il ne sollicita que le droit de combattre contre le monde dépravé pour la semence dont tu vois vingt-quatre plantes autour de toi.

« Ensuite ce savant et vaillant religieux se mit en mouvement avec la protection apostolique, comme un torrent que des pluies considérables ont formé.

« Son impétuosité frappa les germes d’hérésie avec d’autant plus de force, qu’on opposa plus de résistance. De cette source naquirent plusieurs ruisseaux qui baignent le jardin catholique, et qui rafraîchissent ses arbustes.

« Si telle fut l’une des roues du char sur lequel l’Église, en défendant sa gloire, fut obligée de vaincre des ennemis qui avaient été ses enfants, tu dois, en même temps, reconnaître l’excellence de la seconde roue, dont Thomas t’a parlé avec tant de courtoisie avant que je fusse près de toi. Mais la trace des deux roues de ce char est maintenant abandonnée, et la moisissure a remplacé l’arome.

« La famille qui suivait François avec zèle, paraît aujourd’hui retourner en arrière : à la récolte, on s’apercevra bientôt de la mauvaise moisson, quand l’ivraie se plaindra de n’être pas portée au grenier.

« Si l’on cherchait feuillet à feuillet dans notre livre, on trouverait peut-être un papier où on lirait : « Je n’ai pas dégénéré : » mais ce religieux