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À ces mots l’esprit se tut, et il me sembla qu’il rentra avec les autres ombres dans le cercle où il était auparavant.

L’autre lumière dont on venait de me parler, me parut resplendissante, comme un fin rubis frappé des rayons du soleil. Là-haut, la joie se manifeste par un vif éclat, comme sur la terre, par le sourire ; mais en bas, où toutes les âmes sont plongées dans la tristesse, il n’y a que ténèbres et obscurité.

Je dis alors à cet esprit bienheureux : « Dieu voit tout, et toi tu vois tout en Lui ; aussi, comme à lui, tous les désirs doivent t’être connus. Pourquoi donc ta voix, qui réjouit le ciel, semblable à celle des splendeurs pieuses ornées de six ailes, ne daigne-t-elle pas satisfaire ma curiosité ? Je n’attendrais pas ta demande, si je pouvais entrer en toi, comme toi-même tu entres en moi. »

L’esprit me répondit en ces termes : « Tu connais cette immense vallée où se répandent les flots d’une mer que la terre environne comme une guirlande, et qui est bordée de rivages habités par des peuples si différents. Si tu la parcours contre le cours du soleil, elle forme le midi là où, auparavant, était l’horizon.

« Je naquis sur les bords de cette vallée, entre l’Èbre et la Magra, à l’endroit où, par un court chemin, le pays de Gênes est séparé de la Toscane. Bugie et la terre où je pris naissance, et qui vit son port inondé de sang, sont placées à peu près à la même distance de l’orient et de l’occident. Je fus nommé Foulques par cette nation qui connut bien mon nom. J’ai toujours vécu sous l’influence de la planète où tu me rencontres.

« Tant que l’âge me l’a permis, j’ai brûlé d’un amour plus vif que celui qu’éprouvèrent la fille de Bélus, qui donna tant de soucis à Créuse, en manquant de foi à Sichée ; cette Rhodopée que trahit Démophon ; enfin Alcide lui-même, quand il tint Iole renfermée dans son cœur.

« Ici, on ne pense pas à se repentir de ses fautes ; elles ne reviennent point dans la mémoire : on jouit de cette vertu qui a ordonné et prévu notre bonheur. Ici, on voit les effets admirables de la Providence, et l’amour qui règne sur la terre s’épure et se change en amour divin.

« Je veux continuer de t’éclairer sur ce que tu as désiré savoir dans cette sphère. Tu veux apprendre quelle est cette âme qui étincelle près de moi, comme un rayon du soleil dans une onde pure. Cette âme qui goûte une douce paix est celle de Raab, qui, jointe à notre chœur, y occupe