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— Dis-moi, l’homme, sur la terre, n’aurait-il pas une pire condition s’il ne vivait pas en société ?

— Oui, et je n’en demande pas la raison.

— Cela peut-il être, si l’on ne vit pas d’une manière différente, si l’on n’est pas soumis à différents devoirs ?

— Non, si votre maître n’est pas dans l’erreur. »

L’esprit suivit ses déductions, puis conclut ainsi : « Donc ces divers effets doivent provenir de diverses causes. L’un naît Solon, l’autre Xercés, un autre Melchisédech, un autre, celui qui, en volant dans les airs, vit périr son fils. La nature des cercles célestes, qui s’imprime comme un cachet sur la cire mortelle, remplit sa fonction, mais sans avoir égard aux lieux où elle agit : d’où il arrive qu’Ésaü et Jacob, quoique frères, eurent des inclinations différentes. Quirinus, né d’un père obscur, passa pour le fils de Mars. Un fils ressemblerait à son père, si la providence divine n’en ordonnait autrement.

« Voilà que ce qui était derrière toi est passé devant ; mais afin que tu connaisses combien j’aime à te contenter, je veux te revêtir encore d’un corollaire. Une graine tombée sur une mauvaise terre ne peut germer heureusement ; un naturel sur le sol qui ne lui convient pas, ne peut bien se développer.

« Si le monde s’attachait aux occupations que dicte la nature, il serait meilleur : mais vous dévouez de force au ministère de la religion celui qui est né pour ceindre l’épée ; vous faites roi celui qui devrait être orateur : ainsi votre marche s’éloigne de la vraie route. »