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de sa voix » ; mais le respect pour B, et pour ICE, qui s’empare de tout moi, me forçait à tenir la tête baissée, comme un homme que le sommeil accable.

Béatrix me laissa peu de temps dans cet embarras, et me rayonnant d’un sourire qui aurait rendu heureux un homme au milieu des flammes, elle me dit « Selon mon jugement, qui est infaillible, tu ne comprends pas comment une juste vengeance a été punie justement ; mais j’éclaircirai ce doute.

« Écoute, mes paroles t’apprendront de sublimes vérités. Pour n’avoir pas voulu souffrir l’utile frein de la vertu, cet homme qui ne reçut pas la naissance, en se damnant, damna toute sa race.

« L’espèce humaine infirme languit, pendant plusieurs siècles, abandonnée à l’erreur, jusqu’à ce qu’il plût au Verbe de Dieu de descendre. Par l’acte seul de l’éternel amour, il unit à la nature divine la nature humaine, qui s’était éloignée de son créateur.

« Maintenant fais bien attention à ce que je t’explique. Cette nature, unie à celle de son créateur, avait été d’abord pure et sincère, mais par elle-même elle se bannit du Paradis, parce qu’elle s’arracha de la voie de la vérité et de sa vie. Or, la peine que Jésus-Christ souffrit sur la croix, si l’on ne considère que la nature qu’il avait assumée, n’a jamais plus justement mordu ; mais aussi, en examinant quelle était la personne revêtue de cette humanité, on voit aisément qu’aucune peine ne fut plus injuste.

« Du même fait résultèrent deux conséquences différentes : une seule mort plut à Dieu et aux Juifs ; par elle la terre a tremblé et le ciel s’est ouvert.

« Tu dois donc facilement comprendre qu’une cour juste a vengé une juste vengeance. Mais je vois que ton esprit, de pensée en pensée, est occupé d’un autre doute, qu’il désire que j’éclaircisse. Tu dis : Je comprends bien ce que viens d’entendre, mais je ne comprends pas pourquoi Dieu a choisi ce moyen pour notre rédemption.

« Frère, les motifs qui déterminèrent le Créateur à agir ainsi sont cachés aux yeux de ceux qui ne sont pas embrasés du feu de l’amour divin : cependant, comme on pense longtemps en vain sur un tel sujet, je vais te dire pourquoi Dieu a trouvé ce moyen plus digne.

« La divine bonté qui méprise toute jalousie, étincelle de sa propre ardeur, lorsqu’elle distribue ses beautés éternelles ; ce qui coule immédia-