Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
L’ENFER

célèbres habitait ce lieu. Je dis alors : « Ô toi, qui honores les sciences et les arts, apprends-moi quels sont ceux qui, par leur vie illustre, ont mérité d’obtenir ce séjour privilégié où ils sont séparés des autres âmes. » Mon guide répondit : « La haute renommée qu’ils ont laissée sur la terre que tu habites les rend dignes de cette faveur et de cette récompense du ciel. » J’entendis alors une voix qui s’écriait : « Honorez le sublime poète qui nous avait quittés, et dont l’ombre revient parmi nous. » La voix se tut, et je vis venir quatre personnages majestueux. Leur visage n’annonçait ni joie ni tristesse. « Vois, me dit mon maître, celui qui, un glaive à la main, précède les autres, comme leur roi ; c’est Homère, le prince des poètes. Après lui vient Horace le satirique. Ovide est le troisième. Le dernier est Lucain. Chacun d’eux mérite, comme moi, le nom qu’une seule voix vient de faire entendre. Ils s’avancent pour me rendre les honneurs dont je suis digne. » Je vis alors se réunir cette école imposante du prince de la haute poésie, qui, comme un aigle, plane sur les autres poètes. Ces illustres personnages parlèrent quelque temps ensemble ; ensuite ils se tournèrent vers moi. Leur salut amical fit sourire mon guide. Ils m’honorèrent encore davantage, puisqu’ils m’admirent dans leur auguste compagnie, et je me trouvai le sixième parmi des grands hommes si renommés. Nous marchâmes ensemble jusqu’à cette lumière brillante que j’avais aperçue. Nous parlions de choses qu’il est beau de taire en ce moment, comme là il convenait d’en faire le sujet de notre entretien. Nous nous trouvâmes bientôt au pied d’un noble château, sept fois entouré de hautes murailles, que baignait un fleuve limpide et peu profond. Nous le passâmes facilement, guidés par nos sages compagnons, et nous entrâmes dans le château par sept portes, pour arriver dans un pré émaillé d’une fraîche verdure. J’y remarquai d’autres personnages au regard calme et sérieux. Ils parlaient rarement, et d’une voix douce ; j’admirai l’autorité de leur visage. Nous nous dirigeâmes vers un point plus découvert, plus éclairé et plus élevé, d’où je pus distinguer toutes les âmes à la fois. Là, on me montra, sur l’émail fleuri, des esprits sublimes que je me réjouis d’avoir contemplés. Je vis Électre environnée d’une foule de héros, parmi lesquels je reconnus Hector, le fils d’Anchise, César armé de ses yeux étincelants. D’un autre côté, je vis Camille, Pentésilée, et le roi Latinus assis à côté de Lavinie sa fille ; je vis ce Brutus qui chassa Tarquin ; je vis Lucrèce, Julie, Marcia, Cornélie ; plus loin, Saladin était seul à l’écart. J’aperçus, en élevant les yeux, le maître de ceux qui aiment la sagesse, assis au milieu de sa famille de philosophes qui lui