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dans leur ignoble ivresse osèrent, avec leurs doubles poitrines, combattre contre Thésée. Souvenez-vous des Hébreux qui s’agenouillèrent mollement pour boire, de ces lâches que Gédéon ne voulut pas choisir pour compagnons de gloire, quand il descendit de ses collines et attaqua les Madianites. »

Ainsi rapprochés d’un des côtés du chemin, nous passâmes en entendant le récit de différents péchés de gourmandise qui engendrent souvent des gains misérables.

Après avoir regagné la route libre, nous marchâmes plus de mille pas, en contemplant les âmes sans leur parler. Une voix cria tout à coup : « Où allez-vous, tous les trois, seuls, en réfléchissant ainsi ? » Je me secouai comme font les bêtes effrayées et paresseuses ; je levai la tête pour savoir qui avait parlé, et jamais dans la fournaise on ne vit des cristaux et des métaux d’un éclat aussi brillant que celui d’un esprit qui disait : « Si cela vous est agréable, montez ici, c’est par là qu’il faut tourner ; c’est ici que passe celui qui va chercher la paix. »

Son aspect avait ébloui mes yeux ; aussi me tournai-je du côté de mes maîtres, comme un homme qui obéit ponctuellement à l’ordre qu’il reçoit ; et de même qu’au mois de mai le fils d’Éole et de l’Aurore qui annonce la verdure, répand une odeur suave tout imprégnée des émanations de l’herbe et des fleurs, de même un vent léger frappa mon front, et je sentis le doux frottement de la plume qui exhalait une odeur d’ambroisie. J’entendis en même temps ces paroles : Heureux ceux que la grâce éclaire au point que l’amour de la table n’excite pas en eux trop de désirs, et qu’ils se contentent de satisfaire une faim raisonnable. »