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CHANT NEUVIÈME

ce qui m’apparut, quand mes jambes semblaient plier sous le poids de mon corps. » Il reprit : « Cent masques recouvriraient ta figure, que je n’en connaîtrais pas moins tes plus minutieuses pensées. Ce que tu as vu s’est manifesté, pour que tu ne pusses pas te dispenser d’ouvrir ton cœur à ces eaux qui coulent de la fontaine éternelle d’amour et de charité : et moi, je ne t’ai pas demandé ce que tu ressentais, comme aurait fait celui qui ne voit qu’avec l’œil, à qui tout est caché quand le corps gît inanimé. Je t’ai parlé pour rendre à tes pieds quelques facultés : il faut ainsi exciter les esprits paresseux à bien employer le temps où ils sont éveillés, et à braver le besoin du sommeil, au moment où convient de veiller encore. »

Nous marchions aux approches de la nuit en regardant les objets autant que le permettaient nos yeux offusqués par l’éclat des rayons du soleil, dont le flambeau s’éteignait devant nous. Alors nous vîmes s’approcher une fumée noire comme la nuit, là où aucun lieu n’en pouvait garantir : elle obscurcit notre vue et la pureté de l’air.