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CHANT VINGT-TROISIÈME.

16. Cette étincelle ralluma en moi le souvenir de ce visage changé, et je reconnus celui de Forésé [6].

17. « Ne te rebute point, » ainsi priait-il, « la sèche écaille qui me décolore la peau, ni de ma chair aucune difformité ;

18. « Mais dis-moi le vrai sur toi, et sur ces deux âmes qui t’accompagnent, qui elles sont. Parle sans tarder. »

19. — Ta face que morte déjà je pleurai, lui répondis-je, ne m’est pas maintenant un moindre sujet de larmes, la voyant si défaite.

20. Dis-moi donc, au nom de Dieu, ce qui ainsi vous effeuille : ne me presse point de parler, tandis que je suis en étonnement, car mal s’explique qui est plein d’un autre souci.

21. Et lui à moi : « Par une éternelle loi, dans l’eau et dans l’arbre resté en arrière, descend une vertu qui ainsi m’exténue.

22. « Toute cette gent qui en pleurant chante pour s’être outre mesure adonnée à la bouche, dans la faim et la soif ici se refait sainte.

23. « De boire et de manger rallume en nous le désir, l’odeur qu’exhalent la pomme et la rosée qui se répand sur le vert feuillage.