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INTRODUCTION.

partagée par les Guelfes mêmes, que ralliaient à elle les seuls intérêts politiques soit des princes, soit des factions dans les républiques. Au milieu des discordes où l’Italie était plongée, des effroyables maux qu’elles enfantaient sans cesse, nulle pensée d’unité nationale, je dis nulle pensée active, efficace, pratique. Les esprits portés vers la spéculation bâtissaient des systèmes, des théories abstraites, utiles seulement pour éclairer et développer l’idée du droit, pour ouvrir, même en se trompant sur leur direction, les voies où devait marcher la société future.

Le livre de Monarchiâ en offre un exemple. Il n’est pas douteux que le gibelinisme de Dante ne se liât étroitement à ses passions de parti, à sa position de proscrit, à l’impatient désir de rentrer dans sa ville ingrate et pourtant toujours chère. Mais, suffisants pour le vulgaire, ces motifs personnels n’auraient pu seuls légitimer aux yeux de Dante ses actes comme homme et comme citoyen. Il dut les rattacher à un principe plus haut, à l’idée éternelle du droit, à un type immuable de l’ordre conçu par l’intelligence affranchie des intérêts du temps. Son ouvrage de la Monarchie, publié durant le séjour de Henri VII en Italie, contient le résultat de ses méditations sur ce grave sujet, la théorie qu’il s’était formée, et que, pour l’appuyer d’un raisonnement plus rigoureux, il y expose selon la méthode scolastique.