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L’ENFER.

40. Il répondit donc : « Je suis Frate Albérigo [7], et, des fruits du mauvais jardin, ici je reçois datte pour figue [8]. »

41. — Oh ! lui dis-je, es-tu donc mort ? Et lui à moi : « Ce qu’il en est de mon corps dans le monde d’en haut, entièrement je l’ignore.

42. « Tel est le privilège de cette Ptolomea [9], que souvent l’âme y tombe avant que l’y pousse Atropos [10].

43. « Et afin que plus volontiers tu me racles du visage les larmes devenues verre, sache qu’aussitôt que l’âme trahit,

44. « Comme je l’ai fait, un démon s’empare de son corps, et ensuite le gouverne, jusqu’à ce que son temps soit accompli.

45. « Elle tombe dans cette caverne ; et peut-être qu’encore là-haut se voit le corps de celui qui, là derrière moi, grelotte.

46. « Tu dois le savoir, si tu ne fais que d’arriver ici : c’est ser Branca d’Oria [11], et plusieurs années ont passé déjà, depuis qu’il fut ainsi enserré. »

47. — Je crois, lui dis-je, que tu me trompes ; Branca d’Oria n’est nullement mort : il mange, et boit, et dort, et se vêt.

48. « Plus haut, me dit-il, dans la fosse des Malebranchi, où bout la poix visqueuse, n’était pas encore venu Michel Zanche,