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INTRODUCTION.

chaque république. On marchait vers l’avenir sur un champ de bataille avec toutes les passions du combat, mais avec une foi merveilleuse et une ardeur que ne décourageaient aucune souffrance, aucun sacrifice. Où allait-on ? Nul ne le savait. Je ne sais quoi d’inconnu attirait en avant les peuples fascinés par une sorte d’inspiration divine. Ces temps d’espérance, d’action instinctive sont, après tout, les grands, les beaux jours de l’humanité. Aussi restent-ils ineffaçables dans la mémoire des hommes, qui, de siècle en siècle, le regard fixé sur les monuments qu’ils nous ont laissés, contemplent avec admiration ces œuvres gigantesques.

La Divine Comédie est une de ces œuvres. Elle vint, pour ainsi dire, résumer tout le Moyen âge avant qu’il s’enfonçât dans les abîmes des temps écoulés. Quelque chose de lugubre enveloppe la fantastique apparition. Il y a là des cris désolés, des pleurs, d’indicibles mélancolies, et la joie même est pleine de tristesse ; on croirait assister à une pompe funèbre, entendre autour d’un cercueil le service des morts dans une vieille cathédrale en deuil. Et toutefois un souffle de vie, le souffle qui doit renouveler sous une forme plus parfaite ce qui s’éteint, passe sous les voûtes et traverse les nefs de l’immense édifice, où, comme dans le sein d’une femme près d’enfanter, on sent un secret tressaillement. Ce poëme est à la fois une tombe