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CHANT TROISIÈME.

24. Ayant ensuite regardé au delà, je vis des gens pressés sur le bord d’un grand fleuve ; ce pourquoi je dis : — Maître, je te prie

25. Que je sache qui sont ceux-là, et pour quelle cause ils ont tant de hâte de passer, comme je l’aperçois à cette faible lueur.

26. Et lui à moi : « Ceci te sera dit, quand sur les tristes rives de l’Achéron s’arrêteront nos pas. »

27. Alors, confus et les yeux baissés, craignant que mon dire ne lui eût déplu, je m’abstins de parler jusqu’au fleuve.

28. Et voici venir vers nous, dans une barque, un vieillard blanchi par de longues années, criant : « Malheur à vous, âmes perverses !

29. « N’espérez pas voir jamais le ciel ; je viens pour vous mener à l’autre rive, dans les ténèbres éternelles, dans le feu et la glace.

30. « Et toi que voilà, âme vivante, sépare-toi de ces morts ! » Et voyant que je ne m’en allais pas :

31. « Par d’autres chemins, dit-il, par d’autres bacs, tu viendras à la plage pour passer ; il convient que te porte une nef plus légère. »

32. Et le Guide à lui : « Caron, ne te courrouce point : il est ainsi voulu, là où se peut ce qui se veut ; ne demande rien de plus. »