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INTRODUCTION.

« et lui : — Des ombres qui peut-être se vont dégageant du lien de leur dette.

« Comme des voyageurs pensifs, rencontrant en chemin des gens inconnus, vers eux se tournent sans s’arrêter,

« Ainsi derrière nous, revenant avec vitesse et nous dépassant, étonné je regardais une troupe d’âmes silencieuse et dévote.

« Toutes avaient les yeux ténébreux et caves, la face pâle, et le corps si décharné que sur les os la peau se collait[1]. »

Perpétuellement elles tournent dans le cercle où, tourmentées de la soif et de la faim, passant et repassant devant l’arbre chargé de fruit et arrosé d’une eau limpide, leur désir excité toujours, jamais satisfait, est la peine qui les purifie du péché de gourmandise.

Reconnu de Forese, un de ses amis mort depuis peu, Dante le reconnaît à son tour, malgré son visage défait, et sans cesser d’aller ils s’entretiennent ensemble : Forese lui nomme plusieurs ombres. L’une d’elles est Buonagiunta, un des rénovateurs de la poésie vulgaire, effacé bientôt par des poëtes plus récents, parmi lesquels il désigne Dante lui-même. Il veut savoir pourquoi ni lui ni Guittone n’atteignirent jamais ce doux style nouveau. Dante lui explique la cause :

  1. Ibid., ch. XXIII, terc. 4-8.