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INTRODUCTION.

visions, les schismes, la haine persécutrice, entrèrent dans la nouvelle société et la déchirèrent. L’ambition des hautes dignités, trop souvent le prix des brigues et de la violence, compliqua le désordre, et les richesses devenues un aliment de luxe, les convoitises mondaines et sensuelles, engendrèrent dans le clergé une corruption contre laquelle tonnent les Pères, et dont saint Paul lui-même signale avec une douloureuse anxiété les premiers germes.

Le monde romain en était là lorsque les barbares apparurent. Leurs invasions durèrent six siècles. Se poussant les uns les autres et recouvrant le sol comme une marée toujours montante, ils inondèrent l’Asie et l’Europe, des frontières de la Seine au détroit d’Hercule : déluge d’hommes pire que celui des flots.

Tacite, opposant les mœurs des Germains aux mœurs romaines, loue ce peuple de sa chasteté. Il s’en faut que tous les barbares méritassent la même louange. Leur caractère général ressemblait beaucoup à celui des tribus que nous nommons sauvages : mêmes qualités, mêmes vices. Mais tous, sans exception, dès qu’ils se furent mêlés aux populations envahies, ajoutèrent à leurs vices les vices de celles-ci, sans leur communiquer aucune des qualités qui tenaient à leur barbarie même. Ils introduisirent parmi elles de nouveaux éléments politiques et civils, mais aucune vertu, quoi qu’on en ait dit. On les suivait de ruines en ruines à la