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INTRODUCTION.

d’abord l’imagination, et le tableau s’achève par ce trait :

« Elle ne disait rien, mais nous laissait aller, regardant seulement, comme le lion lorsqu’il repose. »

N’y a-t-il pas dans ce regard quelque chose qui fascine ? Et comme la grandeur formidable de cette apparition solitaire, muette, est pathétique, quand, au seul nom de Mantoue, l’ombre, soudain s’élançant vers Virgile, s’écrie :

« O Mantouan, je suis Sordello, de ton pays ; et ils s’embrassèrent l’un l’autre. »

Quoique dans un ordre de sentiments un peu différent, cette scène rappelle celle où Joseph, seul aussi en terre étrangère, plein encore des souvenirs du doux pays natal, des premières émotions, des premières tendresses de son cœur d’enfant sous la tente, se fait reconnaître de ses frères :

« Et il dit à ses frères : Je suis Joseph, que vous avez vendu pour l’Égypte… Et se penchant sur le cou de Benjamin, et l’embrassant, il pleura ; et lui pareillement se pencha sur le cou de Joseph en pleurant. Et Joseph baisa tous ses frères, et sur chacun d’eux il pleura[1]. »

Le récit de la Genèse vous transporte au milieu de la famille patriarcale et de ses affections. Dans le récit de Dante éclate un autre amour, plus général et

  1. Genès. XLV, 4, 14 et 15.