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INTRODUCTION.

tous sa vindicte atroce, sa haine qui ne pardonne point alors même que déjà Dieu a pardonné.

L’espace que les âmes en attente occupent dans le Purgatoire comprend plusieurs cercles, et les plus larges, puisqu’en s’élevant le mont se rétrécit. On pourrait, au premier abord, s’étonner de l’étendue de cet espace intermédiaire, et du nombre de ceux qui, plus ou moins longtemps, doivent y séjourner avant d’être admis dans le lieu où s’accomplira leur purification. Mais il y a là une pensée profonde. Qu’est-ce, en effet, que cette foule, sinon celle au milieu de qui nous vivons, légère, futile, sans attache réfléchie au mal, sans amour efficace du bien, la foule de ceux au sujet desquels, dans l’étonnement de sa grande âme, Bossuet s’écriait : « Quoi ! le charme des sens est-il si fort, que nous ne puissions rien prévoir ! » Oublieuse de l’avenir, ondoyante aux brises du présent, tout entière à ce qui est et passe, jamais à ce qui sera, elle s’ouvre, comme la fleur des champs, pour recueillir chaque gouttelette de rosée, chaque rayon de soleil, jusqu’à ce que l’hiver ou un soudain orage la détache de sa tige pour toujours. Cet état d’indolence morale, dont la paresse du corps est l’image et souvent l’effet, Dante l’a placé sous nos yeux avec cette vérité pittoresque qu’on ne se lasse point d’admirer dans toutes ses peintures si variées, si vivantes.

Virgile encourage son compagnon, las déjà de la