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INTRODUCTION.

sorte d’amas de pierres, vague souvenir des anciens tumulus. Mais l’archevêque de Cosenza ne permit point que les os de Manfred restassent enfouis sous quelques pelletées de terre pontificale. Il les fit transporter près du fleuve Verde, avec l’appareil lugubre en usage à l’égard des excommuniés, en silence et les cierges éteints.

L’ombre continue :

« Après que mon corps eut été percé de deux coups mortels, pleurant je m’en allai vers celui qui volontiers pardonne.

« Horribles furent mes péchés ; mais de si grands bras a la Justice infinie, qu’elle y reçoit tout ce qui revient à elle.

« Si le Pasteur de Cosenza, qu’en chasse de moi envoya Clément, avait alors en Dieu bien lu cette page,

« Les os de mon corps seraient encore au bout du pont de Bénévent, sous la garde de la pesante mora.

« Maintenant les baigne la pluie et les roule le vent hors du royaume, le long du Verde, où il les transporta à lumière éteinte[1]. »

Manfred raconte et ne se plaint point : que lui importent, à présent, ces choses de la terre ? Mais le Poëte gibelin, par la pitié qu’inspire ce roi puissant la veille, et le lendemain privé même d’une fosse, a atteint son but ; il a flétri le persécuteur, il a rendu exécrable à

  1. Purgat., ch. III, terc, 40 et suiv.