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INTRODUCTION.

au mont pour vous dépouiller de l’écorce qui empêche que de vous Dieu ne soit vu[1]. »

Pour peindre la puissance de l’harmonie, les Grecs, de tous les anciens peuples le plus sensible à l’art, imaginèrent le mythe d’Orphée. L’Enfer chrétien, soumis à une loi inexorable, absolue, éternelle, ne permettait pas au Poëte d’y introduire cette antique fiction. Mais, sous une autre forme, transporté dans le Purgatoire, l’effet principal en est le même, et la reconnaissance des deux amis au séjour des ombres, cette tendresse à la fois de la terre et hors de la terre, dans laquelle se confondent et la vie et la mort, y ajoute je ne sais quoi d’idéal et de mystique. Suspendues au chant de Casella, les âmes oublient tout, le lieu où elles sont, celui vers lequel tout à l’heure encore les hâtait le désir de se purifier pour voir Dieu ; et l’on ne s’en étonne point, et l’on se sent fasciné comme elles, comme elles absorbé dans la mélodie de ces vers ravissants :


Amor, che nella mente mi ragiona,
Comincio egli allor si dolcemente,
Che la dolcezza ancor dentro mi suona.


À la voix de Caton courroucé, les ombres sortent de leur extase, se dispersent et courent vers le mont. Arrivés au pied, Dante et son guide trouvent le rocher si roide, qu’en vain les jambes les plus agiles essayeraient de le franchir.

  1. Purgat., ch. II, ter. 20 et suiv.