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INTRODUCTION.

ruisseau du pur Éther ? Qui dira ta source ? Avant le soleil, avant les cieux, tu étais : et, à la voix de Dieu, tu couvris, comme d’un manteau, le monde s’élevant des eaux ténébreuses et profondes : conquête faite sur l’infini vide et sans forme.

« Maintenant je te visite de nouveau d’une aile plus hardie, échappé du lac Stygien, quoique longtemps retenu dans cet obscur séjour. Lorsque, dans mon vol, j’étais porté à travers les ténèbres extérieures et moyennes, j’ai chanté, avec des accords différents de ceux de la lyre d’Orphée, le Chaos et l’éternelle Nuit. Une muse céleste m’apprit à m’aventurer dans la noire descente et à la remonter, chose rare et pénible ! Sauvé, je te visite de nouveau, et je sens ta lampe vitale et souveraine. Mais toi, tu ne reviens point visiter ces yeux qui roulent en vain pour rencontrer ton rayon perçant, et ne trouvent pas d’aurore[1]. »

Cette apostrophe a certainement de la grandeur et de la majesté. Peut-être désirerait-on plus de mouvement, moins de pensées incidentes ; peut-être l’espèce de raisonnement par où elle commence est-il un peu froid. Mais comme, bientôt, le poëte se relève :

« Avant le soleil, avant les cieux, tu étais : et, à la voix de Dieu, tu couvris, comme d’un manteau, le monde s’élevant des eaux ténébreuses et profon-

  1. Paradis perdu, ch. III, vers 1-24. Traduction de M. de Chateaubriand.