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INTRODUCTION

tutions et des anciennes mœurs. Rapportant à cette époque des destructions accomplies plus tard, et par d’autres causes, et jamais entièrement, on s’imagine que tout périt avec l’État, qu’avec lui disparut tout ce qu’avait produit la civilisation antérieure, et que, sur la terre dévastée, il ne resta que des ruines inertes et des ossements arides. Il fallait, croit-on, pour que de ces ruines sortît une autre société, une société vivante, que le christianisme, balayant la poussière de ce passé, enfantât lui seul, par sa propre vertu, un ordre politique et moral nouveau, et que des peuples jeunes, pleins de sève et de vigueur, vinssent du nord de l’Europe et des steppes de l’Asie ranimer, par l’infusion d’un sang plus pur, le vieux corps social pourri de corruption.

Tel est le point de vue sous lequel on considère généralement l’immense révolution qui s’opéra chez les nations occidentales, à partir du quatrième siècle. Il n’est certes pas, à plusieurs égards, dépourvu de vérité. Le christianisme provoqua une puissante réaction morale contre le matérialisme sensuel qui, des villas des patriciens et de l’antre où gîtaient les Césars, avait envahi Rome, et, de proche en proche, les provinces les plus éloignées. Le germe de cette réaction était, il est vrai, partout, avant même la fin de la république, car rien dans le monde ne se fait sans préparation ; mais le christianisme développa ce