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INTRODUCTION.

chirés, fuyant de telle vitesse, qu’à travers la forêt ils brisaient tout obstacle.

« Celui de devant : Accours, accours, ô mort ! Et l’autre, à qui trop il paraissait tarder : — Lappo, si prudentes ne furent pas

« Tes jambes aux joutes de Toppo[1]. Et puis, l’haleine lui manquant peut-être[2], de soi et d’un buisson il fit un seul groupe.

« Derrière eux la forêt était pleine de chiennes noires, affamées et courant comme des lévriers qu’on vient de détacher.

« Dans celui qui s’était tapi, elles enfoncèrent les dents et le déchirèrent pièce à pièce, puis emportèrent ces lambeaux palpitants. »

À ces sombres horreurs succèdent des sentiments qui reposent l’âme et l’attendrissent. Sur une berge à l’abri des flammes, Dante traverse une plaine où, en longue file, courent les pécheurs que frappent des traits de feu. Il est reconnu avec étonnement par son ancien maître, Brunetto Latini, qui d’en bas l’arrête par le pan de sa robe, et s’écrie : — O merveille[3] !

  1. Lappo, de Sienne, au combat de Toppo, où tes Siennois furent défaits par les Arétins, se jeta en désespéré au milieu des ennemis, et se fit tuer.
  2. Comment l’haleine peut-elle manquer à une ombre ? C’est précisément pour cela, que cette circonstance, immédiatement, fait de Lappo un personnage vivant, et que, pour le lecteur comme pour Dante, la scène s’empreint d’un caractère saisissant de réalité, et devient si dramatique.
  3. Chant xv.