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INTRODUCTION.

vention qu’il y déploie le rend encore, par excellence, le poëte d’une époque où la chaire sacrée ne cessait de retentir de menaces et de voix d’épouvante. Dans ses ressentiments terribles, il dépasse tout ce que jamais conçut la vengeance. L’heure finale, ce serait trop attendre ; il damne les vivants, il arrache du corps l’âme maudite, et la précipite dans l’abîme ; à sa place il met un démon, et l’on voit ce corps aller, venir, manger, boire, agir comme auparavant. Les hommes croient converser avec un homme, l’homme qu’ils ont connu, et ils conversent avec un esprit infernal.

C’était en 1300 que le Poëte, au milieu du chemin de la vie, c’est-à-dire âgé de trente-cinq ans, parcourut en esprit les trois royaumes des morts. Perdu dans une forêt obscure, sauvage et âpre, il arrive au pied d’une colline qu’il s’efforce de gravir. Mais trois animaux, une panthère, un lion, une louve maigre et affamée, lui ferment le passage ; et déjà il redescendait là où le soleil se tait, dans les ténèbres du fond de la vallée, lorsqu’à lui se présente ou une ombre, ou un homme, il ne sait. Cette forme humaine, de qui un long silence avait éteint la voix, c’est Virgile, qu’envoie pour le secourir et pour le guider, une dame céleste, cette Béatrix, objet de son amour, à la fois être réel et idéalité mystique.

Il n’est pas douteux que sous ces images se cache une double allégorie, les deux sujets dont parle Dante