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INTRODUCTION.

qui touche les peines, dont nous devons ici principalement parler, est-il rien qui la choque davantage, par tous les genres d’impossibilités, et par ce qu’ils ont d’opposé à la véritable justice et à la bonté essentielle de l’Être infini, que ces supplices atroces, inventés bien plus pour gouverner les hommes par la crainte que pour satisfaire à l’instinct profond de la conscience, qui ne saurait admettre qu’un même sort attende, dans le monde mystérieux où tous entrent un jour, l’innocent et le coupable ? Le christianisme théologique s’est surtout complu dans ces doctrines sombres, a surtout pris à tâche d’effrayer, par ces images terribles, l’imagination des hommes, de les prosterner par la peur au pied du prêtre, et ce fut en effet toujours le ressort le plus puissant de son autorité, le fondement le plus assuré de sa domination sur les peuples.

L’enfer chrétien est à la fois le séjour des damnés et des démons qui les tourmentent. Ces êtres mauvais flottent dans la croyance comme je ne sais quels fantômes hideux d’une nature vague, indéfinie. Si la théologie fait d’eux de purs esprits, le peuple, à l’exemple de la Bible, leur prête, ainsi qu’aux anges fidèles, des formes sensibles, et naturellement des formes rapprochées de celles qu’il connaît. Par un mélange singulier d’idées, Dante les identifie avec les personnages de la Fable, les Gorgones, les Centaures, les Harpies. Dans ses cercles matériels, tous,