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INTRODUCTION.

la mort est le lien, la différence, quoique plus grande, au moins en apparence, est de même ordre.

Ce qu’à l’origine suggère le pur instinct[1] se rapproche beaucoup plus des vues de la raison que les idées théologiques des âges postérieurs. Avant que la pensée abstraite ait créé, en dehors de la nature et de ses lois, un monde fantastique, l’homme se représente la vie future comme un prolongement de la vie présente, changée seulement en quelques-unes de ses conditions. Le corps devient une forme légère, aérienne, mais cependant sujette, en une vague mesure, aux mêmes besoins, mue par les mêmes penchants, les mêmes désirs, les mêmes affections. Le pauvre sauvage, au séjour des ombres, continue de poursuivre sur le bord des lacs, à travers les hautes herbes, le daim agile, le bison, l’élan : moins éloigné de la vérité, dans ses songes naïfs, que l’inspiré dont le cerveau ardent crée ce qui, en aucune manière, ne peut être. C’est ce qu’ont fait plus ou moins, et toujours avec des conséquences funestes, les religions sacerdotales. Étendant un voile noir sur les destinées humaines, elles ont obscurci les vraies notions des choses, environné une frêle créature encore au berceau de terreurs chimériques, faussé sa raison. Car, en ce

  1. L’opinion des Nègres est que la mort n’est qu’un passage, qui les conduit dans un pays éloigné, où ils doivent jouir de toutes sortes de plaisirs. Hist. génér. des Voyages, t. III, p. 616.