Page:Dante - La Divine Comédie, traduction Lamennais volume 1, Didier, 1863.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
INTRODUCTION.

personnel, une originalité plus marquée, plus puissante. Dante en est un exemple frappant. Doublement créateur, il crée tout à la fois un poëme sans modèle et une langue magnifique dont il a gardé le secret ; car, quelle qu’en ait été l’influence sur le développement de la langue littéraire de l’Italie, elle a néanmoins conservé un caractère à part, qui la lui rend exclusivement propre. La netteté et la précision, je ne sais quoi de bref et de pittoresque, la distinguent particulièrement. Elle reflète, en quelque façon, le génie de Dante, nerveux, concis, ennemi de la phrase, abrégeant tout, faisant passer de son esprit dans les autres esprits, de son âme dans les autres âmes, idées, sentiments, images, par une sorte de directe communication presque indépendante des paroles.

Né dans une société toute formée, et artificiellement formée, il n’a ni le genre de simplicité, ni la naïveté des poëtes des premiers âges, mais, au contraire, quelque chose de combiné, de travaillé, et cependant, sous ce travail, un fond de naturel qui brille à travers ses singularités même. C’est qu’il ne cherche point l’effet, lequel naît de soi-même par l’expression vraie de ce que le Poëte a pensé, senti. Jamais rien de vague : ce qu’il peint, il le voit, et son style plein de relief est moins encore de la peinture que de la plastique.

Lorsque parut son œuvre, ce fut parmi ses con-