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INTRODUCTION.

primitives, que savait-on ? Rien. L’Asie presque entière, ses doctrines, ses arts, ses langues, ses monuments, n’étaient pas moins ignorés que la vieille Égypte, que les peuples du nord et de l’est de l’Europe, leurs idiomes, leurs mœurs, leurs croyances, leurs lois. On ne soupçonnait même pas l’existence de la moitié du globe habité. Le cercle embrassé par la vue déterminait l’étendue des cieux. La véritable astronomie, la physique, la chimie, l’anatomie, l’organogénie étaient à naître : il faut donc se reporter à l’époque de Dante pour comprendre la grandeur et la magnificence de son œuvre.

Nous avons expliqué les causes des obscurités qui s’y rencontrent, causes diverses auxquelles on pourrait ajouter encore les subtilités d’une métaphysique avec laquelle très-peu de lecteurs sont aujourd’hui familiarisés, et dont la langue même, pour être entendue, exige une étude spéciale et aride. Mais, en laissant à part le côté obscur, il reste ce qui appartient à la nature humaine dans tous les temps et dans tous les lieux, l’éternel domaine du poëte, et c’est là qu’on retrouve Dante tout entier, là qu’il prend sa place parmi ces hauts génies dont la gloire est celle de l’humanité même. Aucun n’est plus soi, aucun n’est doué d’une originalité plus puissante, aucun ne posséda jamais plus de force et de variété d’invention, aucun ne pénétra plus avant dans les secrets replis de