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INTRODUCTION.

de meurtre contre le genre humain, un défi jeté à Dieu qui a voulu et veut qu’il vive.

Qu’au Moyen âge les Papes eussent vaincu, où en serait l’Europe ? L’état de l’Espagne sous l’Inquisition n’en offre qu’une faible image ; car, là même, le partage du pouvoir imposait certaines bornes à celui du roi et à celui du prêtre. Mais qu’on les suppose réunis, il ne reste plus à la vie aucun refuge. Partout l’ignorance et le silence, l’apathie, la langueur, la décadence de la culture, l’extinction de l’industrie, nul autre but que l’assouvissement des appétits sensuels, le Pouvoir lui-même attiré au fond de la matière, et s’y putréfiant.

Qu’aujourd’hui la Russie vainquît, mêmes conséquences : dans une nuit sinistre, les mystères de l’enfer et l’orgie de la mort. Telle qu’un glacier qui glisse sur sa base, on la verrait s’étendre sur la terre dévastée, ténébreuse, muette, et y couvrir de son froid linceul les peuples râlant sous les ruines de la civilisation écroulée. Mais au Tzar-Dieu, comme au Pape-Dieu, il a été dit : Tu ne prévaudras point ! au-dessous de ton trône impie, moi, le seul Dieu, j’ai creusé ta fosse.

Si la théorie d’un pouvoir unique, à la fois spirituel et temporel, et celle de deux pouvoirs indépendants l’un de l’autre sont également inadmissibles, également funestes à l’humanité par leurs conséquences,