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INTRODUCTION.

ou absolue. Et comme la doctrine enseignée enveloppe de proche en proche tout ce qui peut être l’objet de la raison humaine, la raison humaine, tout entière aussi, vient s’absorber dans la raison dont le Pape est l’organe ; de sorte que, appliqué au catholicisme, le système exposé par Boniface VIII se résout dans cette proposition : Étant donné le genre humain, le Pape est l’esprit, la raison, — le reste est la matière, la force ; et conséquemment tous les hommes, quels qu’ils soient, doivent être régis par lui, et obéir aveuglément à ses volontés souveraines. Or cela, qu’est-ce, sinon la pure théocratie ? D’où ces deux conséquences : que les Papes durent nécessairement tendre à constituer la théocratie ; et que la théocratie, abstraitement conçue, implique chez l’homme la destruction de toute pensée, de toute volonté libre, conséquemment la destruction du principe moral même. Elle ravale la plus noble créature de Dieu à la condition de la brute irresponsable, au rang des animaux incapables de bien et de mal, de mérite et de démérite, puisqu’ils le sont de tout choix.

Tel est en effet le caractère que présentent dans l’histoire toutes les théocraties, qu’elles aient pour origine soit l’absorption du pouvoir temporel par le spirituel, soit, comme en Russie, l’absorption du pouvoir spirituel par le temporel. Dans les deux cas, elle est également la négation des lois de l’humanité et de la nature même de l’homme, une exécrable tentative