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Ma mère, qui m’avait eu d’un ribaud, destructeur de sa vie et de ses biens, me mit au service d’un seigneur. Puis je fus domestique du bon roi Thibaud : là, je m’adonnai aux fraudes dont je rends compte dans ce feu. » Et Ciriatto, à qui sortait, des deux Côtés de la bouche, une défense comme au sanglier, lui fit, de l’une, sentir comment elles déchirent.

Parmi de méchantes chattes était venue la souris ; mais Barbariccia l’enferma dans ses bras, et dit : « Tenez-vous à l’écart, tandis que je l’enfourche. » Et vers mon maître il tourna la face : « Interroge-le encore, dit-il, si de lui plus tu désires savoir, avant qu’on le dépèce. » Le Maître : « Maintenant, donc, parle des autres coupables. En connais-tu, sous la poix, quelqu’un qui soit Latin ? » Et lui : « Je viens d’en quitter un qui n’était pas de loin de là : fussé-je encore avec lui couvert [1], je ne craindrais ni les ongles, ni les crocs, » Et Libicocco : « Nous avons trop patienté, » dit-il. Et avec le croc il lui prit le bras, et le déchirant, il en emporta un lambeau. Draghignazzo aussi voulut l’atteindre en bas par les jambes ; de sorte que leur décurion se tourna tout autour d’un air courroucé. Lorsqu’ils furent un peu apaisés, à celui qui encore regardait sa blessure mon Guide sans tarder demanda : « Qui fut celui qu’à ton malheur tu quittas, dis-tu pour venir au bord ? » Et il répondit : « Ce fut frère Gomita [2], de Gallura, réceptacle de toute fraude, qui eut en mains les ennemis de son maître, et les traita de façon que chacun d’eux s’en loue : « Il tira d’eux de l’argent, et les laissa comme il dit, en plaine [3] ; et, dans ses autres offices aussi, fourbe il fut non médiocre, mais souverain. Avec lui converse Michel Zanche [4], seigneur de Logodoro ; et de parler de la Sardaigne leurs langues ne se

  1. « Couvert de la poix, » sous la poix.
  2. Moine sarde qui, devenu le favori de Nino, des Visconti de Pise abusa de sa faveur pour trafiquer des dignités et des emplois, et commettre beaucoup d’autres fraudes.
  3. En liberté. Di piano, locution sarde, équivaut au de plano des Latins.
  4. Sénéchal d’Enzo, roi de Sardaigne. Après la mort d’Enzo, il épousa par fraude sa veuve Adelasia, et, de cette manière, devint seigneur de Logodoro, héritage d’Adelasia.