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douleur en Regnier de Corneto et Regnier Pazzo [1], qui tant infestèrent les chemins. »

Puis, se retournant, il repassa le gué.


CHANT TREIZIÈME


Nessus n’avait pas encore regagné l’autre bord, lorsque nous entrâmes dans un bois où nul sentier n’était tracé. Point de feuillage vert, mais de couleur sombre ; point de rameaux unis, mais noueux et tortus ; point de fruits, mais sur des épines des poisons.

Les bêtes sauvages qui, entre Cecina et Corneto [2], haïssent les lieux cultivés, n’ont point de halliers si âpres et si épais.

Là, les hideuses Harpies, qui chassèrent des Strophades [3] les Troyens, avec le triste présage du futur désastre, font leurs nids. Elles ont de vastes ailes, des cols et des visages humains, des pieds armés de griffes, et des plumes à leur large ventre ; elles se lamentent sur ces arbres étranges. Et le bon Maître : « Avant de pénétrer plus loin, sache, me dit-il, que tu es dans la seconde enceinte [4], et y seras tant que tu chemineras dans l’horrible sablon. Regarde bien, et tu verras des choses qui te rendront mes paroles croyables [5]. »Déjà, de toutes parts, j’entendais pousser des gémissements, et ne voyais personne ; de sorte que, troublé,

  1. Bandits qui infestaient les plages maritimes de Rome, au temps de Dante.
  2. Cecina, fleuve qui se jette dans la mer, à une demi-journée de Livourne, du côté de Rome. Corneto, château du patrimoine de saint Pierre. Cette partie de la Maremme est couverte de bois et de buissons, peuplés de daims, de chevreuils et de sangliers. (Venturi.)
  3. Iles de la mer Ionienne. (Voyez Énéide, liv. III, v. 254 et suivants.)
  4. Celle des Suicidés.
  5. « Qui rendront croyable ce que je raconte de Polydore, que sur son corps avait cru un arbuste, les rameaux duquel, arrachés par Énée, répandirent du sang. » (Énéide, liv. III.)