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jusqu’en bas, pour aucun mérite propre on ne s’asseoit, mais pour celui d’autrui à certaines conditions ; tous ceux-là étant des esprits dégagés du corps avant qu’ils fussent capables d’une vraie élection [1]. Bien peux-tu le reconnaître aux visages et aussi aux voix enfantines, si tu les regardes et les écoutes bien. Maintenant tu doutes [2], et doutant te tais ; mais je dénouerai le fort lien dans lequel te serrent les pensers subtils. Dans l’étendue de ce royaume rien de fortuit ne peut avoir place, pas plus que la tristesse, ou la soif, ou la faim : car tout ce que tu vois est établi par une éternelle loi, de sorte qu’exactement l’anneau y correspond au doigt [3]. Ces âmes, hâtées [4] vers la vraie vie, sine causa [5] ne sont donc pas entre elles plus et moins excellentes. Le Roi, par qui ce royaume repose en tant d’amour et en tant de délices que nulle volonté n’ose désirer plus, créant tous les esprits sous son joyeux aspect [6], à son plaisir les dote diversement de grâce : et ici que l’effet suffise [7]. Et, d’une manière expresse et claire ceci vous est montré, dans l’Ecriture, en ces gémeaux [8] émus de colère dans le sein de leur mère. Ainsi, selon la couleur des cheveux, il convient que d’une telle grâce la haute lumière dignement

  1. De distinguer le bien du mal, et par conséquent de faire un véritable choix entre l’un et l’autre.
  2. Saint Bernard, qui lit dans l’esprit de Dante, y découvre le doute qui vient de s’y élever.
  3. C’est-à-dire, la gloire au mérite. Chaque âme, dans le ciel, est l’épouse du Christ ; de là, la comparaison de l’anneau.
  4. Par Dieu.
  5. Sans cause.
  6. On a vu que Dante attribuait les phénomènes terrestres et les dispositions des hommes à l’influence des astres répartis dans les divers cercles du ciel, ce qui est le fondement de l’astrologie judiciaire à laquelle on a cru si longtemps. Selon ces idées, tel ou tel aspect des planètes produisit tel ou tel effet. Nel suo lieto aspetto paraît donc signifier ici, que « Dieu a créé tous les esprits sous un aspect bienfaisant, qu’en tous il a versé ses dons, mais à différente mesure en chacun, suivant son bon plaisir. »
  7. Qu’on se borne à reconnaître le fait, sans en rechercher la raison.
  8. Esaü et Jacob.