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parties les plus voisines et les plus hautes [1], que je ne puis dire laquelle Béatrice me choisit pour lieu. Mais elle, qui voyait mon désir, commença, si joyeuse et si riante, qu’en son visage il semblait que Dieu jouît : « La nature du monde [2], qui tient en repos le milieu [3], et autour meut tout le reste, commence ici comme de son terme [4]. Et ce ciel n’a d’autre lieu que l’entendement divin dans lequel s’allume l’amour qui le meut, et la vertu qu’il verse [5]. Autour de lui la lumière et l’amour forment un cercle, comme lui autour des autres, et cette ceinture, celui qui le ceint la connaît seul. Son mouvement n’est point mesuré par un autre, mais les autres le sont par le sien, comme dix par la moitié et le cinquième. Et comment le temps a dans ce vase ses racines, et dans les autres ses feuilles, peut t’être clair désormais [6]. O convoitise, qui tellement submerges les mortels, qu’aucun n’a le pouvoir d’élever les yeux au-dessus de tes ondes ! Bien dans les hommes fleurit le vouloir, mais une pluie continuelle fait avorter les fruits [7]. La foi et l’innocence se trouvent seulement

  1. Celles qui sont le plus près et celles qui sont le plus éloignées. Les manuscrits offrent plusieurs leçons. Nous choisissons celle qui nous paraît offrir le sens le plus clair et le plus naturel.
  2. Ici deux leçons, la natura del mondo, et la natura del’ moto. Quoique celle-ci, plus claire au premier coup d’œil, soit la plus généralement adoptée, nous préférons la première, qui se lie mieux à ce qui suit et nous semble offrir un sens plus élevé, en même temps plus naturel ; car, parvenu dans la neuvième sphère, d’où il embrasse toute la création, Dante paraît avoir dû la montrer, pour ainsi dire, dans son ensemble et sa connexion générale. Selon cette pensée, par la nature du monde on doit entendre l’univers tout entier, la Nature universelle, ce que les Scolastiques appellent natura naturata.
  3. Le centre, occupé, suivant le système astronomique du temps, par la Terre immobile.
  4. Commence ici, c’est-à-dire dans la neuvième sphère qui enveloppe toutes les autres, et forme le terme, la borne de l’univers.
  5. Les impulsions, les influences qui, de lui, se répandent dans les autres cieux.
  6. « Tu peux maintenant comprendre comment le temps a dans ce vase, (dans le Premier mobile), ses racines, son origine cachée, et dans les autres vases (les autres cieux), ses feuilles, c’est-à-dire ses parties, ses divisions, correspondantes aux mouvements visibles pour nous. »
  7. Littéralement : convertit les vraies prunes en bozzacchioni. On donne ce nom aux prunes avortées.