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CHANT VINGT-QUATRIÈME


« O Confrérie élue à la grande Cène de l’Agneau béni, qui vous nourrit tellement que toujours votre désir est satisfait ; si, par la grâce de Dieu, celui-ci goûte de ce qui tombe de votre table, avant que la mort lui en ait marqué le temps, regardez son désir immense, et répandez sur lui un peu de votre rosée : vous buvez sans cesse à la fontaine d’où vient ce qu’il pense [1]. »

Ainsi Béatrice : et ces âmes joyeuses firent de soi des sphères sur des pôles fixes [2], rayonnant fortement à la manière des comètes : et comme, dans la structure des horloges, les roues tournent de telle sorte que la première à qui la regarde paraît en repos, et la dernière, voler ; ainsi ces chœurs diversement dansant, selon leur amplitude, me faisaient les juger ou rapides ou lents [3]. De celui qui me semblait le plus beau, je vis sortir un feu si splendide qu’il n’y en laissa aucun plus brillant, et trois fois autour de Béatrice il tourna avec un chant si divin que ne me le rendit point mon imagination : que la plume saute donc, et ne tente point de l’écrire [4] ; pour de tels plis non-seulement le parler, mais notre imaginer n’ayant que des couleurs trop peu vives [5]. « O ma sainte sœur, qui, par ton ardente affection [6],

  1. Ce que, dans sa pensée, intérieurement, il désire connaître.
  2. Se formèrent en cercle pour tourner autour de Dante et de Béatrice.
  3. Chacun de ces cercles accomplissant sa révolution dans le même espace de temps, plus ils étaient ou loin ou près du centre, plus leur mouvement était rapide ou lent.
  4. Littéralement : Je ne l’écris point.
  5. Nous lisons avec Césari et Viviani : poco vivo, au lieu de : troppo vivo. Suivant cette dernière leçon, le sens serait qu’une couleur vive n’est pas propre à peindre des plis, qui se distinguent des parties saillantes par une teinte plus obscure.
  6. Pour Dante, de qui elle le prie de s’approcher, afin de satisfaire son désir.